Bert Jansch

Super doc. Denis , il reste tant à dire (et à entendre) sur le grand John. Cela étant si on parlait maintenant de son compère Bert Jansch (et de son éternelle (?) Yamaha! )
As-tu dans tes tablettes quelques délices à nous proposer?

Yes !

Pour commencer, deux petites vidéos.

D'abord celle de l'enregisterement de "fresh as...", sur sa Yamaha fétiche en "jacaranda" (autrement dit rio ?) que j'ai postée il y a quelque temps. Pour moi une de ses plus belles (pour ne pas dire la plus belle) ballade.






Et cette répèt' avec Renbourn. Il joue sur une OM de luthier (John Bailey je crois) copie de Martin.

Les voir travailler (surtout Jansch d'ailleurs car Renbourn ne fait que se balader...), j'aurais donné un bras à l'époque pour avoir accès à une telle vidéo !






Quant aux guitares de Jansch, au début, et pendant même un bon moment, il n'en possédait pas, il ne jouait que sur des guitares qu'on lui prêtait. Incroyable !

Après, il y a eu cette copie de Martin, puis sa Yamaha, puis des guitares de luthiers (Rob Armstrong Dread notamment) puis retour à la case Yamaha, avec des modèles récents, Yamaha l'avait endorsé à la fin. Il leur était d'ailleurs très reconnaissant d'être les seuls à ne pas l'avoir lâché quand il a eu de gros problèmes d'alcool et que son magasin de guitares (luthiers anglais et Yamaha) a coulé.

A la fin, il s'est remis sur pied, s'est sorti de l'alcool et a toujours continué à tourner, aux US notamment, grâce à Neil Young qui le considérait comme "le plus grand guitariste au monde", tout simplement ! Et lui-même considérait Renbourn comme le plus grand de tous ...

Merci Denis... Exact, Neil Young disait de Bert Jansch qu'il était "le Jimi Hendrix de la guitare acoustique", ce qui n'est pas peu dire!
Pour ce qui concerne les guitares de ses débuts, c'étaient celles des autres!!! À cette époque, Jansch menait une vie déraisonn...euh!... disons extravagante! ceci expliquant cela

Deux personnalités complètement différentes. Renbourn qui disait que la composition était chez lui un phénomène quasi névrotique, et Jansch très cool, bohème, et beaucoup plus sûr de lui.

J'ai vu Renbourn attaquer un concert en sur tempo à cause du trac, du coup Jackie mac Shee le regardait un peu effarée car elle devait chanter sur ce morceau...

A l'inverse, j'ai vu Jansch casser deux cordes sur scène, et sans se démonter le moins du monde poser sa guitare et chanter a capella !

Quelqu'un qui le connaissait bien disait que Jansch était le seul chanteur-guitariste avec Dylan à pouvoir attaquer un concert en laissant s'installer le silence et sans dire un mot.

Et deux touchers à l'opposé, du velours pour Renbourn et beaucoup d'attaque chez Jansch.

Mais sa "coolitude" ne l'empêchait pas de bosser la guitare comme un dingue. J'ai toujours été stupéfait par ses accompagnements de chansons, complètement atypiques, avec des contre-chants qui s'entre-croisent avec la mélodie. De même dans certains de ses morceaux acoustiques très complexes.

Et parallèlement, des morceaux plus blues à l'accompagnement qui paraît toujours simple, mais ne l'est pas tant que ça, avec une grosse dissociation voix-accompagnement, comme dans ces exemples :

Jansch n'était pas toujours très "constant" dans son chant (c'est un euphémisme...).

J'ai dégotté cette autre version de Blackwaterside pour remplacer celle que j'avais précédemment postée, qui me fait mal chaque fois que je l'entends (l'alcool n'a pas que du bon...).

Exact, à propos de la "constance" de son chant, s'il n'y avait eu seulement que de l'alcool!...
Comme dirait l'autre: "vous avez beau dire... y a pas seulement que d'la pomme... Y a aut' chose!"

Je n'y résiste pas ...

On ne pouvait quand même pas faire une présentation de Bert Jansch sans citer Angie.

Ça a été le tube de tous les jeunes guitaristes des années 70. La ligne de démarcation même : il y avait ceux qui jouaient Angie et ceux qui ne le jouaient pas (il y avait aussi ceux qui le jouaient bien et ceux qui le jouaient mal... )

A noter que la version de Jansch est celle qui a enflammé les charts, mais il n'en est pas le créateur, c'est Davey Graham qui l'a écrit.

Davey était le prédécesseur (et un des inspirateurs de Jansch et Renbourn. Renbourn a acheté sa J 50 parce que Davey en avait une...).  C'est lui qui a initié le mouvement de guitare folk en Angleterre (on peut même dire en Europe).

Mais la version de Jansch est meilleure que celle de Graham, avec ces improvisations si bien venues.

La version live ci-dessous est bien, mais je vous mets aussi le lien avec celle du disque qui est encore meilleure (celle qui nous a poussés à apprendre le morceau... et, en ce qui me concerne, à acheter une 000-28 comme celle de la couverture. Mais je me suis vite rendu compte qu'elle ne sonnait pas vraiment comme celle de Jansch. Elle était de 76, les pires années, ultra-renforcée... A l'époque, je pensais naïvement qu'une 000-28 c'était une 000-28, point...).

Je reviens sur le fascinant "couple John-Bert" car je pense qu'il a fonctionné comme une sorte de "duetto" fusionnel.

J'en trouve des raisons dans la complémentarité de leurs caractères, de leurs cultures musicales et de leurs techniques:
Bert - instinctif <> John - cérébral
Bert - spontané <> John - réfléchi
Bert - brut <> John - sophistiqué
Bert - naïf <> John - astucieux

On pourrait ajouter d'autres combinaisons complémentaires qui tiennent à la façon dont ils ont mené leur vie (ou dont leur vie les a menés!).
Je n'irais pas jusqu'à dire que ça me fait penser au mariage de l'eau et de feu ou que l'un écrit (la musique) et l'autre pas, mais...
En tout cas, ces deux là nous ont marqués comme jamais et leur héritage ne doit pas être oublié, d'où la nécessité de le faire connaître par nos témoignages... Ugh!

Ce que tu dis des différences de caractères entre Renbourn et Jansch rejoint tout à fait ce qu'en aurait dit Haruchika Noguchi, un thérapeute japonais du XXème siècle qui avait observé que les hommes appartenaient à différents types, à la fois physiques et psychologiques (https://en.wikipedia.org/wiki/Taiheki).

Dans sa terminologie, Renbourn est de type 3 et Jansch de type 9.

Le type 3 a une morphologie "curviligne" (opposée à longiligne, rond autrement dit), quant au type 9, il se caractérise notamment par la taille de ses fémurs, beaucoup plus longs que la normale (cela apparaît déjà sur les échographies des bébés de ce type).

Le type 3 est jovial, son sourire illumine tout son visage, il est aimable et rend l'ambiance gaie autour de lui.

Le n° 9 est à l'inverse, il est tout sauf aimable, et n'a absolument rien à faire de l'opinion et du regard d'autrui. Jansch le dit en toutes lettres dans sa chanson "it don't bother me" (je n'en ai rien faire, de ce que tu penses, etc...). Ça va même plus loin, les n° 9 adorent se foutre de la gueule des gens.

Cf. aussi Dylan, autre n° 9 célèbre qui, quand il était attaqué par les spectateurs quand il s'est mis à l'électrique, loin d'être perturbé, en rajoutait encore une couche dans la provoc'.

Le n° 9 est foncièrement égocentrique. Comme le disait Joan Baez à, propos de Dylan, "il ne faut rien en attendre".

Mais à côté de ces aspects peu agréable, ces n° 9 (intuitifs-actifs) sont... géniaux ! Ils ont une intuition et une inspiration très au-dessus de la normale (Dylan qui écrivait 10 chansons en une nuit, ses proches disaient que ça coulait tout seul), ils ont une puissance exceptionnelle, sexuelle notamment (les 9 fois de la nuit de noces de Victor Hugo et son œuvre énorme).

Du coup, effectivement, ces deux types, 3 et 9, s'entendent assez bien car ils n'entrent pas en concurrence et se complètent : quand Renbourn dit que la partie qu'il vient d'écrire est "une possibilité", Jansch, beaucoup plus pragmatique et actif répond "let's try it" (essayons-la).

Pour conclure, une petite illustration du côté "aimable " de Jansch et Dylan face aux photographes...

Parfaitement d'accord avec toi pour ce qui concerne la complémentarité des 2 compères et le rapprochement entre le caractère de Jansch et celui de Dylan.
Il y a chez ces deux derniers une sorte de morgue voire d'insolence dans le regard qui en disent long sur leur assurance > cf. le sourire crâne de Bert Jansch, après qu'il eut interprété "In The Bleak Midwinter" (en 1975) sous le regard averti (et envieux!) de Stefan Grossman, Ralph MacTell et Jan Akkerman (qui ne sont pourtant pas les premiers venus!). Aisance, brio, désinvolture: serait-ce ça le talent?

tangue a écrit: Aisance, brio, désinvolture: serait-ce ça le talent?

Heureusement non ! Renbourn en est un parfait exemple.

parlornut a écrit:
Yes !

Pour commencer, deux petites vidéos.

D'abord celle de l'enregisterement de "fresh as...", sur sa Yamaha fétiche en "jacaranda" (autrement dit rio ?) que j'ai postée il y a quelque temps. Pour moi une de ses plus belles (pour ne pas dire la plus belle) ballade.






Et cette répèt' avec Renbourn. Il joue sur une OM de luthier (John Bailey je crois) copie de Martin.

Les voir travailler (surtout Jansch d'ailleurs car Renbourn ne fait que se balader...), j'aurais donné un bras à l'époque pour avoir accès à une telle vidéo !






Quant aux guitares de Jansch, au début, et pendant même un bon moment, il n'en possédait pas, il ne jouait que sur des guitares qu'on lui prêtait. Incroyable !

Après, il y a eu cette copie de Martin, puis sa Yamaha, puis des guitares de luthiers (Rob Armstrong Dread notamment) puis retour à la case Yamaha, avec des modèles récents, Yamaha l'avait endorsé à la fin. Il leur était d'ailleurs très reconnaissant d'être les seuls à ne pas l'avoir lâché quand il a eu de gros problèmes d'alcool et que son magasin de guitares (luthiers anglais et Yamaha) a coulé.

A la fin, il s'est remis sur pied, s'est sorti de l'alcool et a toujours continué à tourner, aux US notamment, grâce à Neil Young qui le considérait comme "le plus grand guitariste au monde", tout simplement ! Et lui-même considérait Renbourn comme le plus grand de tous ...

Avez vous remarqué que sur la vidéo de Bells, Jacqui Mc Shee fait des mots croisés

je suis d'accord sur la beauté de fresh as a sunday morning.
J'aime aussi Rosemary Lane et je me torture tous les jours sur Chambertin.
Bert et John aimaient bien le vin.. (cf le Sidi Brahim du John Renbourn group live in America)

jlv a écrit: je me torture tous les jours sur Chambertin.

Je peux comprendre, même Jansch a parfois un peu de mal à maîtriser ce morceau qui donne si bien l'impression qu'il y a deux guitares (cf. sa concentration et sa petite moue vers la fin de la vidéo après un passage qui aurait pu être plus clean...).

Le volume 2 de Bert Transcribed de la Bert Jansch Foundation est sorti en début d'année, je l'ai su seulement aujourd'hui.

Certains l'ont-ils déjà? Je pense m'y mettre très bientôt.