Au sujet des bois... et la raison pour laquelle certaines essences sont si dispendieuses

Bonjour à tous,

Étant donné que ce sujet traite directement du matériau qu'un luthier a dans son atelier, je me suis dit que c'était la Bonne section. Gilles, Rémi, si ça doit aller autre part n'hésitez pas à bouger ce topic s'il vous plait

Donc, pour remettre les choses dans leur contexte, j'ai accueilli chez moi le luthier Tony Karol et sa femme dans mon atelier l'année dernière. C'était après le salon de la guitare de Québec, et on a parlé des bois la majeure partie du temps. Il a été question de l'African Blackwood que certains connaissent ici. C'est un bois qui est complètement dingue, fabuleux, mais qui est problématique à travailler en raison de sa teneur en résine complètement hallucinante, et sa densité (un des bois les plus dures et lourds au monde).

Hier sur Facebook, la conversation sur une de ses photos a dévié, et on est revenu à une histoire qu'il m'avais conté à l'atelier. la voici:



Rory, the owner of the company, bought 110 TONS of African Blackwood in the early 2000s … thats 5 shipping containers full of logs.
He hired a guy to cut them up into squares and such .. he worked on them for over 4 years !!!
Just think of how tough it would be to mill one of these . they weigh about 1500 lbs or more, are full of dirt, its tough as nails to cut .. full of checks and such … Rory said that out of 110 tons, they got 6 guitar sets .. six !!!!

La grenadille (African Blackwood), vient d'arbres assez petits en terme de diamètre et plein de noeuds. Obtenir de BEAUX sets est très très compliqué, et c'est une option qui est très dispendieuse pour cette raison. Il est beaucoup plus compliqué d'en trouver des sets, que de dégoter du palissandre brésilien. C'est vous dire...

Le luthier John Slobod en parlions, et voilà son constat lorsqu'il est allé chez Hibdon Hardwoods il y a 2 ans:

It's impossible to find either one... I went to Hibdon and dig through 100+ sets, and only got 4....

Donc, pour ceux qui ont des guitares en African Blackwood... chérissez les

Parmi mes 3 Baranik Retreux parlor, l'une est en african blackwood, l'autre en honduran rosewood et la troisème en koa. Celle en blackwood est au dessus du lot effectivement, elle a tout, projection, séparation des notes, belles basses sans être envahissantes, beau timbre. C'est surtout la distinction de chaque note au milieu des autres qui est époustouflante.

Par contre, je ne sais pas comment Baranik s'est débrouillé, mais elle est un poil plus légère que celle en honduran rswd.

Comme l'African Blackwood (ABW) est très dense, tu peut l'amener plus fin que d'autres essences. J'ai construit une OM en malaysian Blackwood, qui est une essence très lourde également... ça a donné une guitare qui est parmi les plus légères que j'ai construite. Tout dépend de la façon dont tes Baranik sont faites

PS: je suis un très gros fan du travail de Mike

benbenbenben a écrit:Comme l'African Blackwood (ABW) est très dense, tu peut l'amener plus fin que d'autres essences. J'ai construit une OM en malaysian Blackwood, qui est une essence très lourde également... ça a donné une guitare qui est parmi les plus légères que j'ai construite.

J'ai eu la même remarque de la part de Bromander, un luthier suédois à propos d'une caisse en ébène qui au bout du compte donne une guitare plus légère que de l'indien.

parlornut a écrit:

benbenbenben a écrit:Comme l'African Blackwood (ABW) est très dense, tu peut l'amener plus fin que d'autres essences. J'ai construit une OM en malaysian Blackwood, qui est une essence très lourde également... ça a donné une guitare qui est parmi les plus légères que j'ai construite.

J'ai eu la même remarque de la part de Bromander, un luthier suédois à propos d'une caisse en ébène qui au bout du compte donne une guitare plus légère que de l'indien.

Ça ne m'étonne pas!

benbenbenben a écrit:Bonjour à tous,

Étant donné que ce sujet traite directement du matériau qu'un luthier a dans son atelier, je me suis dit que c'était la Bonne section. Gilles, Rémi, si ça doit aller autre part n'hésitez pas à bouger ce topic s'il vous plait

Donc, pour remettre les choses dans leur contexte, j'ai accueilli chez moi le luthier Tony Karol et sa femme dans mon atelier l'année dernière. C'était après le salon de la guitare de Québec, et on a parlé des bois la majeure partie du temps. Il a été question de l'African Blackwood que certains connaissent ici. C'est un bois qui est complètement dingue, fabuleux, mais qui est problématique à travailler en raison de sa teneur en résine complètement hallucinante, et sa densité (un des bois les plus dures et lourds au monde).

Hier sur Facebook, la conversation sur une de ses photos a dévié, et on est revenu à une histoire qu'il m'avais conté à l'atelier. la voici:


Rory, the owner of the company, bought 110 TONS of African Blackwood in the early 2000s … thats 5 shipping containers full of logs.
He hired a guy to cut them up into squares and such .. he worked on them for over 4 years !!!
Just think of how tough it would be to mill one of these . they weigh about 1500 lbs or more, are full of dirt, its tough as nails to cut .. full of checks and such … Rory said that out of 110 tons, they got 6 guitar sets .. six !!!!

La grenadille (African Blackwood), vient d'arbres assez petits en terme de diamètre et plein de noeuds. Obtenir de BEAUX sets est très très compliqué, et c'est une option qui est très dispendieuse pour cette raison. Il est beaucoup plus compliqué d'en trouver des sets, que de dégoter du palissandre brésilien. C'est vous dire...

Le luthier John Slobod en parlions, et voilà son constat lorsqu'il est allé chez Hibdon Hardwoods il y a 2 ans:

It's impossible to find either one... I went to Hibdon and dig through 100+ sets, and only got 4....

Donc, pour ceux qui ont des guitares en African Blackwood... chérissez les

C'est vrai que cela calme les ardeurs ce genre d'article , tant de bois coupé pour si peu de sets est ce bien raisonnable ? ... il est urgent d'avoir des alternatives

Pourquoi c'est les plus compliqués à travailler qui sonnent le mieux ??? (rio et ses fentes, blackwood,...)

parlornut a écrit:

benbenbenben a écrit:Comme l'African Blackwood (ABW) est très dense, tu peut l'amener plus fin que d'autres essences. J'ai construit une OM en malaysian Blackwood, qui est une essence très lourde également... ça a donné une guitare qui est parmi les plus légères que j'ai construite.

J'ai eu la même remarque de la part de Bromander, un luthier suédois à propos d'une caisse en ébène qui au bout du compte donne une guitare plus légère que de l'indien.

Mon OM Eric Talon a le dos et les éclisses en malaysian blackwood, et je confirme que je l'adore, que le bois est superbe et qu'elle est vraiment légère. Je l'ai achetée au tout début de mon "comeback" en guitare, la principale raison était ce blackwood magnifique!
Si vous voulez la voir:
www.zikinf.com/annonces/annonce-1431956

parlornut a écrit:
Pourquoi c'est les plus compliqués à travailler qui sonnent le mieux ??? (rio et ses fentes, blackwood,...)

C'est dû à leurs propriétés mécaniques, et donc acoustiques. On les caractérise d'ailleurs, par ce que l'on appelle "Glassy tonewoods"... mais il y a des bois exceptionnels et sous estimés, qui sont moins difficiles à travailler. Je pense notamment à l'érable (mais ce n'est pas de l'exotique)

didier13 a écrit:
C'est vrai que cela calme les ardeurs ce genre d'article , tant de bois coupé pour si peu de sets est ce bien raisonnable ? ... il est urgent d'avoir des alternatives

Il faut savoir que le Dalbergia melanoxylon est une essence dont la production fait l'objet d'une gestion raisonnée dans plusieurs pays d'Afrique, au Mozambique en particulier. Et surtout que la quasi totalité de la production en tant que bois d'oeuvre va dans l'industrie des instruments à vent, pour lesquels il est bien plus facile de trouver des débits dans ces fûts étroits et souvent noueux.
Quand aux guitares, les débits dédiés aux fond/éclisses et aux tables d'acoustiques sont très gourmands, ils occasionnent énormément de perte, que ce soit avec des essences exotiques ou plus locales n'y change rien.
Et enfin, s'il n'a récupéré que 6 jeux fond/éclisses sur les 10 tonnes de bois ne veut bien entendu pas dire que le reste est parti à la poubelle, il est parti en touches, débits pour instruments à vents, etc...

caribou a écrit:

didier13 a écrit:
C'est vrai que cela calme les ardeurs ce genre d'article , tant de bois coupé pour si peu de sets est ce bien raisonnable ? ... il est urgent d'avoir des alternatives

Il faut savoir que le Dalbergia melanoxylon est une essence dont la production fait l'objet d'une gestion raisonnée dans plusieurs pays d'Afrique, au Mozambique en particulier. Et surtout que la quasi totalité de la production en tant que bois d'oeuvre va dans l'industrie des instruments à vent, pour lesquels il est bien plus facile de trouver des débits dans ces fûts étroits et souvent noueux.
Quand aux guitares, les débits dédiés aux fond/éclisses et aux tables d'acoustiques sont très gourmands, ils occasionnent énormément de perte, que ce soit avec des essences exotiques ou plus locales n'y change rien.
Et enfin, s'il n'a récupéré que 6 jeux fond/éclisses sur les 10 tonnes de bois ne veut bien entendu pas dire que le reste est parti à la poubelle, il est parti en touches, débits pour instruments à vents, etc...

Effectivement ton propos est plutôt rassurant , si le reste n'est pas gaspillé ce n'est pas la même chose mais tout peut expliquer le prix de certains sets pour les guitares...

caribou a écrit:Il faut savoir que le Dalbergia melanoxylon est une essence dont la production fait l'objet d'une gestion raisonnée dans plusieurs pays d'Afrique, au Mozambique en particulier.

Je n'étais pas au courant de ça tient, merci pour l'info!

Je ne retrouve pas les documents où j'avais vu ça. Et il semble que ce soit plutôt en Tanzanie qu'au Mozambique en fait (la Tanzanie et le Mozambique étant les deux principaux exportateurs de cette essence).
https://www.blackwoodconservation.org/

Plantations / reproduction artificielle
Afrique : Les espèces de Dalbergia malgaches ne font pas, que l’on sache, l’objet de plantations commerciales ni de programmes de
reproduction artificielle. D. melanoxylon (« ébène du Sahel », « grenadille d’Afrique », « ébénier du Sénégal / du Mozambique ») fait
souvent l’objet d’une exploitation forestière à cycle court (taillis/gaulis). On trouve dans le commerce des grumes certifiées conformes par
le Forest Stewardship Council (FSC).

Extrait de :
La CITES et le Bois
Guide d’espèces d’arbres inscrites
aux Annexes CITES
Madeleine Groves
Catherine Rutherford

Ceci dit, parler de gestion raisonnée au Mozambique me semble bien enthousiaste...

"Ceci dit, parler de gestion raisonnée au Mozambique me semble bien enthousiaste... "
Oh que tu as raison Alekzo...Le tout, c'est d'y croire!